What’s new ? [samedi 26 septembre 2009, 18 h 30]

Le monde tel qu'il va, Repeindre les murs en vert, Un bon film sinon rien, Une petite goutte de science, What's new
  • On va pas rigoler bien longtemps : l’impact du réchauffement en France se précise, et la facture va être salée (Le Monde). Si on assiste à ce qui est annoncé, à savoir une élévation de la température moyenne en France métropolitaine de 3°C à 4°C d’ici la fin du siècle, la répétition de phénomènes climatiques extrêmes (tempêtes, sécheresses ou autres) va s’accélérer et le déficit en eau douce pourrait s’avérer hautement problématique.
  • Redim-0Un auteur d’AgoraVox revient de manière précise et fouillée sur un film que j’ai particulièrement aimé, et quoique aujourd’hui un peu daté, il reste un grand moment de bonheur à chaque re-visionnage : retour sur le Déclin de l’Empire Américain (Denys Arcand, 1986). L’article va bien au-delà du film, évoquant justement cette idée de déclin ou plutôt d’impression de déclin, en dépassant le cadre québecois du film. Après cela, on est libre d’adhérer ou non au point de vue de l’auteur.
  • On décroche la palme qu’on peut ! Afrique du Sud : le pays le plus inégalitaire au monde (20 minutes). Classement sérieux qui s’appuie sur le coefficient de Gini (calcul savant qui mesure l’inégalité au sein d’une population ; on considère qu’au-delà de 0,4, la situation peut être explosive), et qui détrône le Brésil, jusque là détenteur du record qui ne fait vraiment pas plaisir. L’article est malheureusement un peu rapide.

La Chine, une grande puissance économique ? laissez-moi rire …

Le monde tel qu'il va

Conférence de l’APHG mercredi dernier à Bordeaux. Sujet : la Chine. Parmi les intervenants, deux pointures, deux talents oratoires : Thierry Pairault et Pierre Gentelle. Un régal. Je vais essayer de rapporter quelques unes des pistes ouvertes par ces deux universitaires concernant l’économie de la Chine, sans j’espère trahir leur pensée. Quelques idées en vrac (le vrac est de moi, pas des chercheurs cités plus haut) :

• La croissance du PIB de la Chine a frôlé les 10% en 2008. Cela peut sembler énorme si on compare aux économies occidentales, mais ce chiffre a-t-il un sens ? Il n’y a pas corrélation entre croissance du PIB et niveau de vie des populations. La même année, l’Angola a vu son PIB croître d’un peu plus de 15%, est-ce pour autant un pays riche ? La croissance du PIB de la Chine n’est ni si forte que ça (comparée à d’autres pays) ni exceptionnelle. Au regard d’autres indicateurs et en effectuant quelques exercices comptables que je suis bien incapable de reproduire ici, le taux de croissance du PIB devrait en théorie être beaucoup plus élevé (15 à 25%). Cela est à mettre en relation avec un des plus forts taux d’épargne au monde : 50% du PIB (par comparaison : 11% pour l’Union Européenne, moins de 1% pour les Etats-Unis). Une part de la croissance est-elle invisible pour les statistiques ? cette économie chinoise est-elle réellement rentable ?

• Une économie tournée essentiellement vers l’extérieur : c’est de là que viennent les investissements, c’est là que repartent les objets produits dans les usines chinoises. Ce choix de développement économique favorise la région littorale (14% du territoire), mais néglige le reste du pays. Forte croissance (quoique relative) n’implique donc pas amélioration forte du niveau de vie. Les inégalités se creusent, ce qui peut, à terme, provoquer une instabilité sociale (le coefficient de gini est supérieur à 0,4). Les 10% les plus riches détiennent un tiers du patrimoine, ce qui n’est pas sans ironie dans un pays communiste (par comparaison : en France, les 10% les plus riches détiennent un quart du patrimoine).

• La qualité des productions se heurte au faible niveau technique des travailleurs : ceux qui forment la population active aujourd’hui ont, en gros, été scolarisés dans les années 1990. L’école est certes obligatoire depuis 1986, mais l’application de cette loi n’a été effective qu’en 2000. Il y avait donc, dans les années 1990, entre 80 et 90% des enfants inscrits à l’école. Ce n’est pas rien, mais ça ne veut pas dire grand chose : l’absentéisme est fréquent (travaux dans les champs, faible contrainte familiale), certains inscrits n’ont jamais mis les pieds à l’école (pas de contrôle), d’autres ne parviennent pas à apprendre. Sur ce dernier point, les chiffres sont cruels : le recensement très fiable de 1990 montre qu’un tiers des enfants de 14 ans ne sont déjà plus scolarisés et qu’un autre tiers est encore à l’école primaire. Qui entre dans l’enseignement supérieur ? La population chinoise n’est donc pas, pour l’instant, si bien formée qu’on le dit. Cela ne s’arrange pas vite : les dépenses d’éducation y sont plus faibles que dans certains pays beaucoup plus pauvres, la scolarisation des filles n’est toujours pas systématique, peu de personnes accèdent à l’enseignement supérieur.

• La Chine récupère 4,5% des IDE mondiaux. Ce chiffre n’est pas si énorme que ça (France : 8,6%) d’une part, et d’autre part il est probablement sur-évalué (de l’argent sort en douce du pays et y re-rentre sous la forme d’IDE). Si l’on ramène le stock d’IDE au nombre d’habitants, ce chiffre est ridicule (stock d’IDE par tête presque 10 fois plus faible que la moyenne mondiale). Ces capitaux se dirigent pour les trois quarts vers l’industrie (moyenne mondiale : 23%), ce qui renforce le côté « pays atelier » et semble cantonner la Chine dans ce seul rôle. L’innovation n’a donc pas vraiment sa place : seule une minorité des demandes de brevets déposées chaque année est acceptée, ce n’est pas un hasard (lien notamment avec le problème de la formation évoqué plus haut : au final, il n’y a que 1% de la population chinoise qui est bien formée).

• Les IDE, bien que finalement assez faibles, soutiennent l’économie chinoise : ils entraînent 30% de la production industrielle et 60% des exportations. On a donc une opposition nette entre un secteur dynamique dominé par l’étranger et un secteur national moins dynamique.

• La Chine apparaît donc, au seul regard des chiffres, comme un nain économique. Le monde entier a l’illusion qu’elle progresse plus vite qu’elle ne le fait réellement, c’est notamment pour cela qu’une part des capitaux étrangers s’y dirige.

• A cela s’ajoutent, comme partout mais avec une acuité particulière, des problèmes environnementaux. La mode est au développement durable : la Chine suit un peu pour faire comme tout le monde, mais on peut aussi penser que la prise en compte des problèmes est réelle. Cela dit, la priorité reste le développement, polluant ou pas. En affirmant cette prise de conscience quant à l’environnement, la Chine récupère des fonds pour dépolluer.

La brouette à voile

On ne va pas en faire toute une histoire

On raconte de-ci de-là et chez Wikipédia (à la page « char à voile »), qu’un drôle d’engin aurait permis aux bâtisseurs de la Muraille de Chine, au IIIe siècle avant notre ère, de transporter les matériaux grâce à un engin résolument moderne, pour ne pas dire « révolutionnaire », mais « résolument révolutionnaire », ça faisait pas joli dans la phrase. La chose serait même beaucoup plus ancienne que ça : certains auteurs parlent du VIe siècle avant notre ère.
0Cet engin est d’abord une brouette. Basique, certes, mais il y a 24 siècles, c’était sacrément novateur. Celle-ci étant assez grande et fort lourde, on pouvait à l’occasion y ajouter une voile et harnacher le porteur avec des sangles attachées dans le dos pour soulager ses bras. C’est cette voile qui en fait l’originalité.
Fort bien. Je lis par ailleurs, dans la Petite Histoire de la Chine de Xavier WALTER (éd. Eyrolles, 2007), que cette innovation, sans en perdre son originalité et sa fonctionnalité, serait un peu plus tardive : en gros l’époque des Han intérieurs (IIe-Ier siècles av JC). Peu importe la date au fond, qui ici relève du chipotage. Un chipotage qui occupe les trois quarts de cette note, tout de même !
Ce qui compte, c’est l’engin. La roue est plus grande que sur nos brouettes modernes, et peut même diviser le caisson en deux compartiments, dont il faut alors équilibrer les charges. La brouette est plus large et plus longue que celle qui sert au jardinage ou au bricolage : on peut y placer des passagers, jusqu’à dix pour les plus grandes brouettes. En tapotant sur Google, j’ai déniché une photo qui prouve que l’usage de cette brouette à voile a duré bien au-delà des temps antiques et médiévaux : cliquez ici (la photo date de 1900).